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entr’ouverte, si bien que je pouvais voir et entendre ce qui se passait dans la chambre à côté… Qu’y avait-il dans cette chambre ? D’abord, madame la duchesse du Maine, elle-même, en personne, et puis monsieur le cardinal de Polignac, l’abbé Brigaud et deux ou trois autres… tous conspirateurs… Ils parlaient de ce qu’ils avaient l’intention de faire… c’était simple comme tout… enlever le régent, l’enfermer dans une forteresse, donner la régence à Sa Majesté Philippe V, roi d’Espagne, convoquer les États Généraux… un tas de bêtises, quoi !… Il paraît que tout ça était convenu avec un certain Alberoni, un ancien marmiton qui a fait son chemin dans les ambassades… Et puis M. de Cellamare par ci, M. de Cellamare par là… Tant qu’il ne fut question que de parler, ça alla très bien… mais, madame la duchesse s’étant avisée de demander quel était celui de ces messieurs qui se chargerait d’attacher le grelot, c’est-à-dire d’empoigner le régent, il y eut un grand silence… « Ce sera donc moi, dit-elle. Puisque vous avez peur, ce sera moi ! » Et elle était superbe, en disant cela… toute petite, mais superbe !… Alors je ne sais pas ce qui se passa en moi… j’eus honte, positivement, j’eus honte de voir une petite femme montrer tant de courage, tandis que moi, un grand gaillard… je poussai la porte, j’entrai : « Non, madame ! m’écriai-je, ce ne sera pas vous qui attacherez le grelot ; ce sera moi, votre perruquier !… » C’était bête comme tout ce que je faisais là, mais qu’est-ce que voulez ? il y a comme ça des instants, dans la vie, où l’on ne peut pas s’empêcher de faire des bêtises : c’est ce qu’on appelle l’enthousiasme… Je m’attendais à être jeté à la porte : pas du tout ! on m’entoura, on me complimenta… madame la duchesse me permit de lui baiser la main, et monsieur le cardinal de Polignac me promit que ce