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Jamais femme avant toi
Aussi profondément n’avait troublé mon âme.

CARMEN.
Ta ra ta ta !… « mon Dieu, c’est la retraite !…

Je vais être en retard… » Il court, il perd la tête…
Et voilà son amour !

JOSÉ.
Et voilà son amour ! Ainsi tu ne crois pas

À mon amour ?

CARMEN.
À mon amour ? Mais non !
JOSÉ.
À mon amour ? Mais non ! Eh bien ! tu m’entendras…
CARMEN.
Je ne veux rien entendre…

Tu vas te faire attendre.

JOSÉ, violemment.
Tu m’entendras, Carmen, tu m’entendras !
De la main gauche, il a saisi brusquement le bras de Carmen ; de la main droite, il va chercher sous sa veste d’uniforme la fleur de cassie qu’elle lui a jetée au premier acte. Il lui montre cette fleur.
JOSÉ.
I

La fleur que tu m’avais jetée
Dans ma prison m’était restée,
Flétrie et sèche, mais gardant
Son parfum terrible, enivrant ;
Et pendant des heures entières,
Sur mes yeux fermant mes paupières,
Ce parfum, je le respirais,
Et dans la nuit je te voyais…
Car tu n’avais eu qu’à paraître,
Qu’à jeter un regard sur moi
Pour t’emparer de tout mon être,
Et j’étais une chose à toi.

II

Je me prenais à te maudire,
À te détester, à me dire :