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BARBE-BLEUE.
BOBÈCHE, avec horreur.

Quatre déjà !…

LE COMTE.

Il faut nous arrêter. Sire, vous êtes la voix qui commande, mais moi, je suis le bras qui exécute… et ça commence à me fatiguer. Et puis, j’ai des remords… c’est la nuit que ça me prend… Pas plus tard qu’avant-hier, j’ai eu une crise… je me suis levé précipitamment. La comtesse Oscar m’a dit : « Qu’avez-vous, mon ami ?… » Je n’ai pas osé lui dire que c’était le remords… Elle a cru ce qu’elle a voulu.

BOBÈCHE.

Je comprends ça.

LE COMTE.

Il faut nous arrêter.

BOBÈCHE.

Bah ! celui-là encore… après nous verrons… (Passant à droite.) Et maintenant, occupons-nous des affaires de l’État. (Il fait tourner une crécelle dorée qui est sur le guéridon ; un page entre par la droite.) Qu’on m’apporte le monde !… (Le page apporte un globe terrestre, qu’il dépose sur le guéridon et sort. Au comte.) Avez-vous observé l’horizon politique ?

LE COMTE.

Oui, sire.

BOBÈCHE, s’asseyant près du guéridon et s’amusant à faire tourner le globe.

Moi aussi, monsieur, et j’ai une opinion.

LE COMTE, s’approchant.

Je ne la connais pas, sire, mais je la partage entièrement.

BOBÈCHE.

Mon opinion, c’est que la conduite du sire de Barbe-Bleue n’est pas claire… Cinq de ses femmes ont déjà