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84 LES ÉVANGILES.

l’humanité s’achemine laborieusement à travers les siècles.

Messieurs, lorsqu’un homme sérieux se recueille et qu’il se rappelle la série des événements qui composent sa vie, événements heureux ou épreuves douloureuses, il est bien difficile qu’à un moment ou à un autre il n’y remarque l’intervention de Dieu. Je devais, dira l’un, périr dans telle circonstance : j’ai été extraordinairement sauvé. Ce n’est ni mon activité propre, ni celle de mes amis qui m’ont secouru. Dans telle affaire, dira l’autre, je devais réussir : tout y concourait, les bons offices d’autrui et mes propres efforts. J’ai néanmoins échoué ; une influence extraordinaire a tout dérangé. D’autres fois un homme reconnaîtra que tout ce qu’il voulait lui a manqué et que tout ce qu’il ne voulait pas lui est arrivé ; et cependant, s’il examine, il découvrira à travers les agitations de sa vie et les peines qu’il s’est données dans des directions contraires, une suite, une unité, qu’il n’a ni voulues ni cherchées. Cet homme alors dira : c’était ma destinée ! Oui, Messieurs, c’était sa destinée, mais qui l’a faite ? La destinée n’est pas le fatum aveugle des anciens. Cette nécessité aveugle est incompatible avec la vraie notion de Dieu. La destinée, c’est notre vocation, c’est la part que Dieu nous a faite des biens et des maux de cette vie. La destinée, c’est une route tracée, un but imposé : mais par qui ? Par Dieu, par la Providence. Qui dirige ainsi notre liberté sans la détruire ? L’intervention particulière de Dieu à côté et au-dessus des lois générales de son gouvernement ici-bas. La vocation, c’est l’unité de la vie. En vain nous voulons y placer la diversité