Page:Meignan - Les évangiles et la critique au XIXe siècle, 1864.djvu/59

Cette page n’a pas encore été corrigée

TROISIÈME LEÇON 53

n’a pas par lui-même, et ainsi le flux et le reflux de la mer n’est point contre nature, bien que ce phénomène n’arrive que par le fait de l’attraction lunaire et qu’il contrarie l’équilibre naturel des eaux. Ainsi tout ce que Dieu opère sur une créature, conclut saint Thomas, ne peut être appelé violentum neque contra naturam. « La mesure de l’essence ou de la nature d’un être est Dieu en tant que cause première de tout. Or on doit appeler naturel tout ce qui est conforme à sa mesure. Dieu peut faire ce qui semble contraire à une créature en particulier, mais cela n’est point contraire à l’ordre général de la nature. » Cette doctrine de saint Thomas est aussi celle de saint Augustin : « Deus creator et conditor omnium creaturarum nihil contra naturam facit : quia id est naturale cuique rei quod facit a quo est omnis modus numerius et ordo naturæ. »

Je sais pourquoi les apologistes du XVIIIe siècle définissaient le miracle une suspension, une contradiction des lois de la nature. Cette définition le distinguait aisément de tout acte purement humain. Tandis que les phénomènes ordinaires, conformes à la nature, leur apparaissaient comme le produit des causes créées, les miracles, au contraire, s’en distinguaient par une opposition tranchée, par le fait d’une contradiction qui, renversant la création, ne pouvait avoir d’autre principe que le Créateur lui-même. De même, disaient-ils, que le législateur seul a autorité pour suspendre la loi qu’il a faite, de même il n’appartient qu’à Dieu de modifier les lois constitutives du monde. Ils se proposaient