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Maintenant, si la véritable version est Mérinthe ou Cérinthe, il n’y a plus de raison de supposer que le fragment de Thomasius dérive d’une autre source que le livre de Papias ; et il faut dire que cet écrivain, après avoir rapporté en détail les circonstances de la rédaction des premiers évangiles, ne changea point de manière à l’égard de celui de saint Jean. Il ne pouvait omettre de dire que l’erreur de Cérinthe avait été un des motifs qui avaient déterminé l’Apôtre à composer le quatrième évangile.

Voici enfin la quatrième phrase du texte de Thomasius : Il (Cérinthe) lui apportait des lettres ou des écrits de la part des frères habitant le Pont.

Is vero scripta vel epistolas ad eum pertulerat a fratribus qui in Ponto fuerant.

Cette phrase n’offre aucune difficulté pour le critique ; elle a toutefois besoin d’éclaircissement.

On se demande d’abord si Cérinthe a vécu et entretenu des relations dans la province du Pont. Le fait est très-probable. Alors même que nous n’aurions aucun témoignage positif à cet égard, on ne pourrait le contester. Car, d’après le récit de Polycarpe (Iren., cont. hæres., liv. III, chap. III, 4), Cérinthe est allé à Ephèse ; et d’après Epiphane (hær. XXVIII), il a parcouru l’Asie. Or, la province ou la diocèse d’Asie était assez voisine du Pont pour qu’il paraisse très-vraisemblable que Cérinthe ait visité l’importante Eglise qui y florissait. Mais que faut-il comprendre par les mots scripta, epistolœ, par ces écrits, ces épîtres que Cérinthe apporta à saint Jean de la part des chrétiens et des frères du Pont ? On pourrait supposer qu’il s’agit ici de ce qu’on appelait alors litterœ commendatitiœ, et, en rapprochant la quatrième phrase de la troisième, admettre que saint Jean ait, malgré ces lettres de recommandation, chassé Cérinthe de sa présence. Mais cette explication laisse dans l’ombre l’expression scripta, qui indique des écrits plus volumineux que de simples lettres commendatices. Ne pourrait-on pas supposer que Cérinthe apportait aussi du Pont des documents qui se rapportaient à la