rain de saint Jean ; et Papias, selon toute vraisemblance, était déjà mort lorsque l’hérétique cité commençait sa carrière. Mais on est bientôt amené à se demander si, comme il est arrivé déjà pour le mot exotericis de la première phrase, le mot Martion n’est point une fausse correction du copiste. Tout confirme cette hypothèse. Ecartons un moment le nom de Martion, et il nous reste un fait véritable, à savoir, celui d’une excommunication portée par saint Jean contre un hérétique. Saint Irénée en fait le récit (adv. hæres., liv. III, chap. III, 4), qu’il tient de Polycarpe. L’hérétique excommunié n’est pas Marcion, mais Cérinthe (liv. III, ch. III, 1), et c’est précisément contre ce dernier que saint Jean a voulu écrire son évangile. Il nous semble donc permis de conjecturer qu’à la place du mot Martion il faut lire Merinthus ou Cerinthus, car le nom a été écrit de ces deux manières.
Voici les motifs sur lesquels nous nous appuyons : L’hérésie de Cérinthe ou de Mérinthe n’a duré qu’un instant : celle de Marcion, au contraire, s’est maintenue longtemps, et à l’époque d’Epiphane elle était encore très-répandue dans l’Eglise latine. Le nom de Marcion est resté gravé dans les mémoires. Ce souvenir profond a pu devenir pour le copiste ignorant une tentation de changer le mot inconnu de Mérinthe dans celui de Marcion. Ajoutons que l’hérétique dont il est question dans le fragment de Thomasius sera bientôt noté comme venant de la province du Pont. Or, l’hérétique du Pont par excellence est Marcion. Enfin, et cela paraît décisif, Philastère, le grand historien des hérésies pour l’Eglise latine, clôt le chapitre qu’il a consacré à Marcion par les mots suivants : Qui devictus atque fugatus a beato Johanne evangelista et a presbyteris de civitate Ephesi Romæ hanc hæresim seminabat. La grande considération dont jouissait le livre de Philastère en Occident, avait fait adopter généralement dans les écoles la fausse opinion qui supposait une lutte entre Marcion et saint Jean en personne ; et un copiste pouvait s’imaginer de la meilleure foi du monde qu’il corrigeait une faute en substituant le nom de Marcion à celui de Cérinthe ou de Mérinthe.