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d’une occasion, n’a pas rendu justice à la vérité. Mais il serait hors de propos d’insister davantage.

Les mauvaises dispositions de Denys à l’égard de l’Apocalypse avaient pour cause les agitations des Chiliastes de la dernière époque, et l’opiniâtreté qu’ils mettaient à retrancher leurs erreurs derrière l' Apocalypse ; mais l’animosité d’Eusèbe tenait à d’autres motifs. Il se pourrait qu’elle provînt du désir de complaire au néophyte couronné.

Si l’on se place au milieu des préoccupations de cette époque, on comprendra que l'Apocalypse était pour les chrétiens d’alors un sujet d’embarras. La plupart des prophéties de ce livre se rapportent à la chute de l’Empire romain, qui, au siècle de Constantin, commençait à se convertir. Quiconque croyait à l’inspiration de l' Apocalypse, était obligé par là même à regarder comme imminente la grande révolution qui allait emporter l’empire. Une telle perspective ne pouvait être agréée dans les cercles officiels, et notamment à la cour. Les païens, de leur côté, voulaient toujours croire à l’éternité du peuple romain, à laquelle ils avaient élevé des autels ; et il n’était pas prudent de leur présenter la religion chrétienne avec ses sombres prédictions. Dans ces circonstances il ne faut point s’étonner qu’un homme du caractère d’Eusèbe s’appliquât à écarter la difficulté aux dépens de l'Apocalypse qu’il sacrifiait. Un homme de son caractère n’était pas scrupuleux sur le choix des moyens [1].

Nous passons à la troisième phrase.

« L’hérétique Marcion, après avoir été censuré par lui à cause de ses opinions hétérodoxes, fut rejeté par Jean. »

Verum Martion hæreticus, cum ab eo fuisset improbatus, eo quod contraria sentiebat, abjectus est a Johanne.

La première impression produite par cette partie du texte de Thomasius est complètement défavorable à l’opinion que nous avons soutenue jusqu’à ce moment. Nous sommes en présence d’un grossier anachronisme. Marcion n’était pas le contempo-

  1. Si Eusèbe s’est montré, comme nous le pensons, injuste envers Papias, Aberle, à son tour, ne se montre-t-il point ici trop sévère à l’égard d’Eusèbe ?