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œuvre diffère de celui de l’évangile du même Apôtre. Il oppose la correction du style du quatrième évangile au langage plein de solécismes de l' Apocalypse. On sait que ce n’est point là pour nous une difficulté. C’est en vain que la critique moderne, par une manœuvre contraire, cherche, à l’aide de cette différence incontestable, à nier l’authenticité de l’Evangile : le secrétaire de saint Jean a changé [1]. Voilà tout ce qu’on en peut conclure ; et notre fragment, ainsi que nos explications, sont justifiés. Si la pureté du style de l’évangile s’explique par le concours de Papias, l’incorrection de l' Apocalypse n’est plus une difficulté. Eusèbe l’a compris et il a tu la part que l’évêque d’Hiérapolis a prise dans la rédaction du quatrième évangile. Eusèbe devait faire un pas de plus. Bien que la persécution de Dioclétien eût sans doute rendu rare le livre de Papias, l’auteur de l'Histoire de l'Eglise savait que l’ouvrage, traduit en latin, serait encore là pour l’accuser. Voilà pourquoi Eusèbe s’est appliqué à en amoindrir l’autorité et à rabaisser l’évêque d’Hiérapolis. Qu’on lise le chapitre consacré à Papias dans l'Histoire ecclésiastique, et l’on se convaincra de toute l’injustice d’Eusèbe à l’égard de Papias. Quoique la passion paraisse déjà dans la fausse argumentation d’après laquelle l’auteur induit sans raison des paroles de Papias que celui-ci n’a point été auditeur de Jean, l’animosité devient plus apparente et passe toute mesure quand l’écrivain appelle un très-pauvre esprit, σφόδρα μικρὸς τὸν νοῦν, celui que l’interpolateur d’Eusèbe a appelé un homme fort savant en toute chose, et très-instruit des saintes Ecritures, celui que toute l’antiquité chrétienne a vénéré (Hier., ep. 71 ad Lucinium) et qu’Irénée a entouré de la plus haute estime. Un tel langage est celui de la passion et de l’inimitié ; ce n’est pas celui de l’histoire. Au reste ce n’est pas une seule fois qu’Eusèbe s’est montré injuste envers Papias. Le courtisan de Constantin, dans plus

  1. Dom Calmet admet que la pureté de style du quatrième Evangile peut s’expliquer par l’intervention d’un secrétaire grec dont se serait servi saint Jean. L’Apôtre aurait rédigé seul l' Apocalypse (Voy. D. Calmet, préf. aux comm. de l’évang. S. Jean).