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appelés Jean, il n’en faut point conclure que Papias n’en a connu qu’un. Le raisonnement d’Eusèbe n’est pas logique, et c’est ainsi qu’il a été considéré par l’antiquité chrétienne. Saint Jérôme, qui s’appuie si souvent sur l’autorité d’Eusèbe, appelle Papias, dans sa lettre soixante-quinzième à Théodore, un disciple de l’évangéliste Jean. Il y a plus ; Eusèbe lui-même, dans sa chronique, appelle à la fois Papias et Polycarpe des auditeurs de l’Apôtre. Enfin, comme Vallarsi le remarque au chapitre XVIII, à propos du livre de viris illustribus, de saint Jérôme, les auteurs des martyrologes et tous les autres écrivains ecclésiastiques s’accordent en ce point.

Mais comment Papias s’informe-t-il avec tant de soin de ce que disait l’apôtre saint Jean, s’il l’avait lui-même particulièrement connu ? Un disciple n’a pas besoin de se renseigner auprès d’un autre sur la doctrine de son maître. — Je réponds à cette objection, que même, d’après Eusèbe, Papias avait fréquenté Aristion, et cependant l’évêque d’Hiérapolis s’informe aussi bien des discours d’Aristion que de ceux de l’apôtre Jean. Peut-être, au moment où Papias a écrit la première partie de son livre, n’avait-il pas encore eu avec saint Jean et avec Aristion les rapports intimes qu’il eut plus tard. Peut-être aussi recherchait-il des faits et des paroles à ajouter à ce qu’il avait lui-même recueilli.

Il est donc évident que l’affirmation d’Eusèbe ne peut avoir aucune autorité en présence des faits énoncés dans le fragment de Thomasius ; et la question qui reste à éclaircir est de savoir comment l’évêque de Césarée a été conduit à embrasser une opinion si contraire à la tradition.

Il est facile d’expliquer le fait. Eusèbe s’est montré plus d’une fois infidèle à l’orthodoxie traditionnelle : c’était un homme de parti ; et la modération habile dont il usa était souvent un voile qui recouvrait une passion. Or, il est un livre du Nouveau Testament contre lequel Eusèbe nourrissait une vive antipathie, nous voulons dire l' Apocalypse : c’était un grand embarras qu’il rencontrait dans sa voie de théologien et de courtisan. Volontiers il eût rejeté l' Apocalypse du canon