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traduit la pensée d’un client dans le style usuel des actes. Cette opinion, continue Aberle, peut paraître hardie et peut-être téméraire au premier moment, mais elle offrirait le moyen de résoudre un problème qui s’est, j’imagine, souvent posé devant l’esprit du lecteur intelligent du Nouveau Testament. Le langage de l’évangile de saint Jean offre, plus que tout autre écrit du Nouveau Testament, l' Apocalypse seul excepté, l’empreinte de la pensée sémitique, à ce point qu’il est difficile de croire que son auteur ait pensé en grec : et cependant, par un contraste singulier, le quatrième évangile, ainsi que les anciens l’ont eux-mêmes remarqué, offre le phénomène d’une pureté grammaticale et lexicographique qu’on ne retrouve point dans les autres auteurs sacrés. On se persuade involontairement qu’un grec a corrigé le style du sémite. Sans doute il serait absolument possible que l’auteur, en s’appliquant à exprimer sa pensée conformément aux règles du langage grec, ait réussi à éviter les incorrections. « C’est un fait d’expérience que des Français ou des Italiens, quand ils écrivent dans notre langue allemande, dit Hefele, observent quelquefois plus scrupuleusement les règles que nous ne le faisons nous-mêmes. » Mais cette explication supposerait un fait invraisemblable ; il n’est pas à croire que Jean ait fait des études de langue grecque à la façon d’un écolier : il avait mieux à faire. On se figure difficilement l’Apôtre la grammaire à la main, et l’histoire nous le montre dans d’autres conditions.

On ne manquera point d’observer que la connaissance du grec et des autres langues a été communiquée surnaturellement aux Apôtres ; ce miracle est connu sous le nom de don des langues et formellement mentionné dans le Nouveau Testament. On ne peut nier en effet que Dieu n’ait doué les premiers prédicateurs de l’Evangile d’une facilité merveilleuse de communication avec des populations dont ils ignoraient plus ou moins complètement le langage. Et si l’on se demande comment il se fait que des pêcheurs qui ne connaissaient que l’idiome de leur pays aient pu si facilement se faire entendre à des hommes de toutes nations, il faut convenir qu’il y a là