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font si fort ombrage à la nouvelle école, s’expliquent pourtant bien naturellement. Saint Jean donnait à ceux de ces termes qui étaient alors en usage la signification chrétienne qu’ils devaient conserver dans la théologie. Il semble dire aux néoplatoniciens : « Le Λόγος que vous placez dans toutes vos spéculations, et dont vous n’avez jamais eu l’idée vraie, c’est le Fils de Dieu, la seconde personne de la Trinité faite homme. Il semble dire aux sectes orientales : Les ténèbres et l’empire du mal sont l’ignorance volontaire, l’erreur idolâtrique à laquelle vous vous attachez ; la lumière, c’est la vérité substantielle de Dieu communiquée à la terre par le Christ que vous méconnaissez ; » à peu près comme saint Paul au milieu de l’Aréopage parlait de l’autel élevé au Dieu inconnu. Ce Dieu inconnu, disait-il à ces sages idolâtres, c’est le Christ dont je vous apporte la connaissance [1].

Si quelques paroles de Jésus rapportées par saint Jean ont une couleur qu’on ne remarque pas dans les synoptiques, faut-il en conclure que l’Apôtre a supposé à son maître des discours qu’il n’a pas tenus ? Non, sans doute. Saint Jean, cherchant dans ses souvenirs, a naturellement choisi les

  1. Le P. Patrizi confirme de tout point cette explication. Voici scs paroles : « Voces Λόγος, ἀλήθεια, ζωή, φῶς, σκοτία, quas longe frequentius aliumque in sensum, quam cæteri evangelistæ, Joannes usurpat, satis evincunt ei rem esse cum ea progenie, qui orientalis gnosticæque philosophiæ sive præceptis sive deliramentis imbuti, propriumque philosophiæ hujus veluti sermonem edocti voces illas ad sua placita de divinis rebus edicenda male detorquebant. Prima ipsa verba suggillare videntur placitum Gnosticorum et Nicolaitorum λόγον nescio quem commiscentium, cujus, ut Lucretii utar verbis, fuisse principale aliquod tempus ipsis persuasum erat, atque adversari τῇ Σιγῇ, sive silentio æterno quod iidem ipsi Gnostici omni rerum principio vetustius inducebant. (L. I, c. 4, de evangelio Joannis.)