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Ce but et les autres circonstances particulières dans lesquelles il écrivait mettaient le disciple bien-aimé dans la nécessité de différer des évangélistes ses prédécesseurs. Ajoutez à ces considérations les rapports intimes dans lesquels ce disciple privilégié avait vécu avec Jésus, la tendre affection dont ce jeune et virginal apôtre avait été l’objet, la puissante originalité de son caractère, l’autorité du vieillard demeuré seul de tous ses compagnons, survivant à sa propre génération, comme pour affermir dans la suivante, par un témoignage plus sensible, la foi chrétienne, et préserver la pureté de la doctrine. Toutes ces raisons, avant même que saint Jean eût écrit, ne faisaient-elles pas pressentir un ouvrage à part ?

Pouvait-il demeurer lié parce qu’il avait, comme les autres Apôtres, accepté l’Evangile typique, et était-il obligé de se contenter d’en fournir une quatrième édition ? Ce texte était connu de tous, et Jean y avait largement puisé : il s’était plu, comme le fait observer Eusèbe, à le confirmer en toute occasion par ses propres discours. Qui donc pouvait supposer qu’en s’en écartant, il affaiblissait l’autorité des synoptiques ? Tous les chrétiens savaient qu’il leur avait donné sa parfaite approbation. Mais des faits nouveaux s’étaient produits, des besoins pressants se faisaient sentir : pourquoi n’eût-il pas été permis à Jean, sans s’écarter en rien de son respect pour les synoptiques, de donner satisfaction à ses amis, et, dans leur personne, au monde entier, pour toute la suite des siècles ? A son âge avancé, Jean ne pouvait entreprendre de dicter un Evangile Sans avoir la