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fournirent les honteux développements. Helvétius réduisit l’idée du bien et du mal à l’idée de plaisir et de peine. Il ôtait à la vertu ses sacrifices, au devoir son désintéressement. D’Holbach fit de la morale un savant égoïsme. Enfin Humes définit la vertu : une sensation, un goût, presque un caprice. On naît vertueux comme on naît musicien ; on préfère le bien au mal ou le mal au bien, comme celui-ci aime la ville, celui-là les champs. Ces philosophes expliquaient toutes les religions passées et présentes par l’intérêt et l’égoïsme. Elles étaient des inventions du Sacerdoce et des fraudes lucratives.

Avec de telles idées et de tels principes, on était naturellement amené à dire ceci : Les Apôtres ont suivi leur maître par intérêt ; ils ont adopté sa religion par égoïsme ; ils l’ont prêchée par calcul ; ils ont inventé la vie miraculeuse du Christ et les Evangiles. Comment voulez-vous que des philosophes, ne croyant qu’à la matière, n’imaginant rien au-dessus, rien au-dessous d’elle, plaçassent dans le cœur des Apôtres autre chose que l’abjection commune à l’humanité ? Pouvaient-ils faire une exception pour le Christianisme ? L’humanité tout entière, selon eux, agit par intérêt ; sa règle est l’égoïsme ; la vertu n’est qu’un goût, un goût qui devenait rare au XVIIIe siècle. Mais, s’il en est ainsi, l’humanité tout entière est capable de tous les crimes quand l’intérêt l’y pousse. C’était là effectivement ce que pensaient ces avocats de l’humanité, apparemment parce qu’ils se connaissaient, et jugeaient trop les autres d’après eux. Ainsi, Messieurs, le principe