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compassion un éon supérieur, qui est venu la délivrer et la racheter, et cet éon est le Verbe fait Christ. Je dis fait Christ et non pas fait homme, car il n’aurait pu se faire homme qu’en s’associant à la matière, qu’en se souillant par conséquent et en se dégradant : le corps qu’il avait revêtu n’était qu’un fantôme de corps, disaient les Docètes : il était formé, selon d’autres gnostiques, d’une substance très-subtile, éthérée et céleste. Ils affirmaient enfin que ce corps avait été créé pour servir le Verbe, à la manière d’un instrument, mais qu’il n’était pas uni hypostatiquement avec lui. Ils disputaient donc sans s’entendre pour déterminer la nature du corps sous lequel le Verbe est apparu, mais tous croyaient que le Christ est venu sauver les hommes. — Par quel moyen ? par la Gnose, c’est-à-dire par la connaissance de l’origine céleste de l’homme, par celle de sa captivité dans la matière, et des moyens de son affranchissement. Quiconque, après lui, possède cette science est pneumatique. Ils ajoutaient à la connaissance de la Gnose des règles de vie fort sévères : elles commandaient un ascétisme exagéré ; elles interdisaient tout plaisir des sens, elles condamnaient même le mariage. Puisque la matière était mauvaise, il fallait lui imposer un frein, la soumettre, la terrasser, la détruire. Cette œuvre était-elle possible ? Evidemment non. — Ceux qui le reconnaissaient n’évitaient une exagération que pour se précipiter dans une autre plus dangereuse encore. Ils soutenaient qu’il fallait triompher de la matière, non point en diminuant ses rapports avec elle et en la fuyant, mais en