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lui-même : dans l’un et l’autre cas, ils en faisaient le siège d’une puissance mauvaise. Pour eux, Dieu et la matière étaient non-seulement deux principes distincts, mais deux principes ennemis. C’était avec horreur qu’ils prononçaient le mot ὕλη ! matière. Un gouffre infranchissable la séparait de Dieu. Comme ils ne voulaient pas cependant dénier à celui-ci toute influence sur celle-là, ils cherchaient à mettre en rapport ces deux termes extrêmes. Les Gnostiques d’Egypte plaçaient entre Dieu et la matière une série déterminée d’êtres intermédiaires, ou éons, tous émanés de Dieu, et décroissant en puissance et en perfection, à mesure qu’ils s’éloignaient du premier principe et se rapprochaient davantage de la matière. Parmi ces éons, sortes d’esprits sortis de Dieu par voie d’émanation, ils distinguaient un démiurge, créateur du monde. C’était lui qui avait informé la matière et créé les hommes. Il s’était déshonoré en se chargeant de cette mission ingrate et avait compromis sa sainteté. Comment toucher la matière, en effet, sans en être souillé ? Aussi le démiurge est en général fort mal traité dans les théories gnostiques. Elles le font tantôt absolument, tantôt partiellement mauvais. Toutes s’accordent à dire qu’il a injustement emprisonné le principe spirituel dans la matière ; qu’en associant les âmes des hommes à des corps, il a commis un acte sacrilège, posé le principe du malaise, de la souffrance et du péché. L’homme est donc une créature malheureuse, contradictoire dans sa nature, vouée au péché et à la douleur. Cette victime de tant de maux a ému de