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Mais si les Ébionites, nous disent nos modernes adversaires, ne se servaient que de l’évangile de saint Matthieu, ne prouvaient-ils pas par cela qu’ils déniaient aux autres toute authenticité ? — Les Ébionites ne se servaient que de l’évangile de saint Matthieu, parce que c’était le seul auquel ils avaient jugé utile de faire subir de prétendues corrections ; mais ils ne contestaient pas pour cela l’authenticité des autres : ils en niaient seulement l’autorité. On peut s’en convaincre par le texte de saint Irénée cité plus haut. Ils rejetaient les écrits de saint Paul qu’ils appelaient un apostat : Paulum recusant, apostatam legis eum dicentes. Pourquoi ? parce qu’il déclarait inutile désormais au salut l’accomplissement de la loi cérémonielle.

Les Ébionites, qui repoussaient avec passion l’autorité de saint Paul, devaient traiter de la même façon l’évangile de saint Luc, disciple de cet Apôtre. Quant aux évangiles de saint Marc et de saint Jean, ils ne leur faisaient qu’un reproche, celui de ne montrer ni l’un ni l’autre un zèle suffisant pour la loi cérémonielle des Juifs. Ils ne les rejetaient pas comme altérés, falsifiés, ou comme ayant des sources douteuses ; non, ils les récusaient à cause de la doctrine qu’ils renfermaient ; ils ne niaient point leur origine et leur existence, mais ils en estimaient peu le contenu. C’est Eusèbe qui nous l’affirme : Solum autem Evangelium illud quod est secundum Matthæum amplexi, reliqua parvi faciebant, τῶν λοιπῶν σμικρὸν ἐποιοῦντο λόγον[1]. » Bien

  1. Eusèbe, Hist. eccl., iii, 27.