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PREMIÈRE LEÇON. 17

sait que réunir en faisceaux les aberrations de la pensée allemande. Il concentrait les ombres jusque-là éparses. La vie de Jésus reflétait fidèlement la philosophie de l’exégèse applaudie par l’Allemagne protestante. Dieu a voulu que l’erreur en ce monde ait sa mesure et sa limite ; il a décidé qu’au delà d’un certain point elle perdrait son prestige, et révélerait sa nudité et son néant. Le système monstrueux de Strauss rompit le charme qui aveuglait les esprits. Le sens chrétien était faussé ; il se redressa ; la raison, engourdie et fascinée, revint comme d’un long sommeil. Dans toute l’Allemagne s’éleva un cri d’indignation contre celui qui, à la lueur sinistre de ses impiétés, éclairait l’abîme où le protestantisme était tombé. Les savants rougirent, et le peuple se souleva. Strauss était alors en Suisse : il fut chassé par le peuple de Zurich, et exilé à jamais de l’enseignement. Si son nom demeure dans l’histoire, il sera classé dans la famille des Erostrate comme le souvenir d’une des grandes folies de l’humanité. L’Allemagne fut-elle guérie du coup ? Non ; mais du moins les hommes sensés secouèrent leur torpeur. La démence du rationalisme suscita de vaillants défenseurs de la réalité historique. Neander, Tholuc, Olshausen, Hug, et une foule d’écrivains entraînés par eux vengèrent la vérité. Ils se mirent à la tête d’une salutaire réaction contre l’idéalisme et les théories insensées de Strauss. Ces hommes ont fondé en Allemagne une école conservatrice qui subsiste encore aujourd’hui, et aux travaux de laquelle s’attache, malgré quelques apparences contraires, une estime croissante. 2