Page:Meignan - Les évangiles et la critique au XIXe siècle, 1864.djvu/211

Cette page n’a pas encore été corrigée

DIXIÈME LEÇON. 205

à ses ministres. Assimilatum est regnum cœlorum homini régi qui voluit rationem ponere cum servis suis. Un de ces personnages qui remuent les millions avait dissipé dix mille talents, c’est-à-dire à peu près cinquante-sept millions six cent mille francs !

Il est certain que dans la circonstance, c’est-à-dire placé au milieu d’une parabole, ce chiffre rond exprime seulement l’idée d’une somme extrêmement considérable ; mais néanmoins il faut remarquer que, tel qu’il est, il suppose la connaissance des valeurs monétaires de l’époque. Aujourd’hui encore, un ministre accusé de fausses manœuvres financières, ou d’avoir dilapidé les fonds de l’Etat dans une guerre ruineuse, pourrait bien être cité comme ayant fait indûment dépenser à un grand pays cinquante ou cent millions. — Or, l’homme-roi de la parabole représente Dieu : Dieu pouvait bien, dans la circonstance, être figuré par un empereur romain, dont les prodigalités surpassaient assurément les nôtres. Le ministre, désireux de faire rentrer dans la caisse de l’Etat une partie des fonds dilapidés, rencontre un de ses débiteurs qui lui devait cent deniers. Le denier, au temps d’Auguste, valait à peu près la drachme, c’est-à-dire quatre-vingts centimes. Il était composé de seize as et non plus seulement de dix (denarium a decem) 1. L’as équivalait

1 Le denier d’argent valait d’abord dix as ; c’est à l’époque des guerres d’Annibal qu’il fut élevé à la valeur de seize as. C’était la solde du soldat romain. Les deniers portaient presque tous l’image des princes de la maison impériale. Antoine abandonna au Sénat le privilège de frapper les monnaies de cuivre ; mais il se réserva le droit exclusif d’émettre les monnaies d’or et d’argent.