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160 LES ÉVANGILES.

et venir à son heure. La rédaction prématurée des Evangiles eût été à quelques égards nuisible à l’Eglise. Elle eût altéré le caractère de simplicité et de vie de la prédication première ; elle eût amoindri, peut-être, aux yeux de la foule, l’autorité constituante attachée par le Christ à la personne des Apôtres ; elle eût exposé les chrétiens à des persécutions de la part des Juifs, et fourni des prétextes à la persécution juive et romaine. Rome accorda au christianisme naissant la liberté laissée au judaïsme et ne le regarda que comme une fraction (αἵρεσις) de la religion mosaïque. Mais un jour vint où l’utilité des Evangiles l’emporta sur les inconvénients. Jésus-Christ, toujours présent dans son Eglise, inspira alors à ses Apôtres de rédiger une partie de leurs prédications ; mais il voulut que les Evangiles vissent le jour successivement, sans bruit et sans éclat, de manière à ne rien faire perdre de son importance à la prédication orale, et à laisser intacte toute l’autorité du corps enseignant, juge de la foi, et gouvernant la communauté chrétienne.

Saint Matthieu, suivant le témoignage de Papias, de saint Irénée, d’Eusèbe, de saint Jérôme, allait, une dizaine d’années après l’ascension de Jésus-Christ, quitter la Palestine, pour porter ailleurs le flambeau de l’Evangile. Les chrétiens de la Syrie devaient donc être privés de la parole vivante de l’apôtre dont ils avaient eu le bonheur de goûter les prémices. Ils prièrent saint Matthieu de mettre par écrit une partie de ce qu’ils avaient souvent entendu, ne pensant, sans doute, qu’à l’avantage particu-