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HUITIÈME LEÇON. 157

mêmes paroles pour exprimer les mêmes doctrines, donnait à ces actes, à ces formules, aux sacrements, aux mystères, un caractère de fixité qui ressemblait à la fixité même de l’Ecriture. Nul doute, Messieurs, qu’il n’en ait été ainsi. Les peuples anciens cultivaient particulièrement cette faculté tant négligée aujourd’hui de la mémoire. La facilité d’écrire nous a rendus singulièrement paresseux de ce côté. Dans l’Inde, des poèmes de plusieurs milliers de -vers n’étaient écrits que dans la mémoire. En Arabie, les paroles de Mahomet se sont conservées pendant plus d’un siècle, à peu près par la seule voie de la tradition. « Le Coran ne contenait, dit M. Mohl, que les germes d’une législation religieuse et civile ; et ce sont les hommes de tradition qui, en conservant sous forme d’anecdotes isolées les paroles prononcées par Muhammed à des occasions quelconques, ont fourni les matériaux pour que les légistes et les théologiens aient pu en faire sortir le système de la Sunna, qui gouverne encore aujourd’hui le monde musulman 1. » La science des traditions, l’Isnad2, « fut, dit le savant secrétaire de la société asiatique, comme au reste toutes les autres, longtemps enseignée uniquement de vive voix, et l’on accourait de tous les pays pour suivre les cours des traditionalistes les plus renommés et conquérir, à force de patience et de mémoire, le droit d’enseigner leur doctrine à son tour et sous la garantie de leurs

1 Rapport de M. Mohl à la Société asiatique. 1863.

2 L’Isnad était une liste de témoins invoquée pour garantir l’authenticité des traditions.