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138 LES ÉVANGILES.

être complet dans le récit de la vie de Jésus et dans l’exposition de sa doctrine, mais uniquement ce qui était alors expédient.

Le commerce épistolaire était plus libre, parce qu’une lettre n’a point le caractère de publicité d’un livre ; on sait mieux à qui on la confie et à qui elle va. De plus la lettre était permise par les usages des Juifs ; ils ne pouvaient pas en prendre ombrage. Mais encore fallait-il se garder de franchir certaines limites. On s’en convaincra en lisant avec attention la deuxième et la troisième épître de saint Jean. On trouve là des mots bien énigmatiques : Spiritus, aqua, ignis. Ces mots, qui ne signifiaient rien pour le païen, avaient un sens profond pour l’initié. Toutefois, saint Jean n’osait tout dire, même sous cette forme énigmatique : « Plura habens vobis scribere, nolui per chartam et atramentum. » Lisez encore, Messieurs, les épîtres de saint Paul, entre autres la première aux Corinthiens et l’épître aux Ephésiens. Je trouve dans cette dernière cet indice de réticence : Omnia vobis nota faciet Tychicus 1. Les Evangiles n’ont été rédigés qu’en vue de circonstances particulières et de nécessités accidentelles : on sent en les lisant la réserve qui a présidé à leur rédaction. Saint Matthieu ne se décide à écrire qu’au dernier moment, à la prière des fidèles de la Palestine qu’il va quitter. Saint Marc et saint Luc cèdent à de pareilles instances, et pour des raisons en partie inconnues. Saint Jean laisse s’écouler presque toute sa vie sans rédiger son Evangile ; il ne

1 Ephes., VI, 21.