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SEPTIÈME LEÇON.

dence, une grande réserve quand il s’agissait d’écrire. Le christianisme était, par son dogme monothéiste, en opposition avec la religion d’Etat dans l’empire romain ; et il aspirait à la détruire. Or l’opposition, sous toutes ses formes et principalement dans les livres, créait des dangers redoutables pour l’écrivain. Il ne fallait point les affronter sans nécessité. L’époque apostolique, Messieurs, était le moment où Tacite, jetant un regard mélancolique en arrière, regrettait l’ère de la liberté perdue, ce temps fortuné, disait-il, où il était permis de penser ce que l’on voulait, et de dire ce que l’on pensait, dum res mémorabantur, pari eloquentia ac libertate... « Rara temporum félicitas, ubi sentire quæ velis, et quæ sentias dicere licet [1] ! » Depuis Auguste une loi de censure pesait sur l’empire romain et faisait dire au même Tacite : « Nous eussions perdu la mémoire avec la parole s’il était aussi facile de faire oublier que de faire taire [2]. » Aucune considération humaine, aucune terreur n’empêchaient sans doute les Apôtres de prêcher l’Evangile ; car ils en avaient reçu le commandement exprès ; mais ils devaient se conformer aux lois générales de la prudence, quand il s’agissait de publier des livres. On s’interrogeait longtemps et l’on réfléchissait mûrement avant de se décider à écrire sous Caligula, Claude, Néron, Domitien, quand surtout on n’était pas résolu à s’assurer la faveur du souverain par de basses flatteries. Alors, on devait se garder d’écrire sur

  1. Lib. Hist., I,l.
  2. Agricola, 2.