Page:Meignan - Les évangiles et la critique au XIXe siècle, 1864.djvu/105

Cette page n’a pas encore été corrigée

SIXIÈME LEÇON. 99

de le faire accepter des peuples, et adopter comme règle de croyance, de morale et de culte, nos contradicteurs méconnaissent la distinction de deux choses très différentes et nécessaires l’une et l’autre dans le monde, je veux dire la distinction de la religion et de la philosophie ; ou plutôt ils suppriment le christianisme en tant que religion révélée, c’est-à-dire tel qu’il a toujours été entendu dans le monde : ils ne laissent plus subsister que la philosophie. Nous croyons aux principaux mystères du christianisme non parce qu’ils sont évidents en eux-mêmes, mais parce qu’ils ont été miraculeusement révélés. La foi aux mystères basée sur leur propre évidence ne serait plus la foi chrétienne, et la religion deviendrait une philosophie. L’hommage touchant et méritoire d’une confiance absolue dans la parole du Christ disparaitrait, et toute croyance serait désormais placée dans la sphère de la dialectique. Eh bien ! Messieurs, il faut autre chose aux nations que la pure philosophie : cette science ne suffit pas aux besoins du monde. La philosophie est nécessairement le partage du petit nombre : elle suppose ce que la foule ne peut acquérir, à savoir, l’évidence intrinsèque de la vérité. Un philosophe est un esprit cultivé qui occupe ses loisirs à analyser, à définir, à classer les éléments de la pensée, à pénétrer dans ses profondeurs, à construire avec méthode un système de morale ou de théodicée, à rechercher les rapports d’une idée obscure avec une idée lumineuse, à éclairer l’une par l’autre, à découvrir la légitimité d’une conséquence éloignée d’un premier principe, en remontant à ce prin-