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Il y aurait sans doute quelque distinction à faire entre l’oligarchie punique et classique, d’un côté, et, de l’autre, le féodalisme de l’Europe chrétienne, mais cette diversité est surtout apparente et n’intéresse guère que la forme. Avant et après le triomphe de la Croix et la chute de l’empire d’Occident, le principe est essentiellement le même. Vue d’un peu haut, la féodalité, comme l’oligarchie, est le droit du vainqueur ou du possesseur sur la personne ou la chose du vaincu, celui qui ne possède pas. Si l’oligarchie avait pour contre-partie l’esclavage, la féodalité entraînait non moins fatalement le servage, et, entre ces deux servitudes, je ne vois qu’une différence de mots. Encore pourrait-on soutenir qu’en plein moyen âge, les points culminants de l’histoire sont représentés, non par l’Europe continentale et féodale, mais par les oligarchies municipales italiennes, qui, au XVe siècle, possédaient des esclaves (schiavi) tartares, slaves et russes.

Pour constater la permanence et la sériation du progrès dans les trois divisions généralement admises de l’histoire universelle, on nous dit que le travailleur esclave, dans les despoties orientales et les oligarchies classiques, a passé ensuite par le servage du moyen âge, pour devenir salarié à l’époque moderne.

La situation d’un salarié, d’un manœuvre de nos grandes villes, peut être, de fait, plus misérable que celle de son ancêtre serf ou vilain ; il n’en existe pas moins, entre le plus malheureux de nos prolé-