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certes pas été corrompus par le raffinement des mœurs, par le progrès d’arts ou de sciences dont ils ne connaissent pas le premier mot ! Sir John Lubbock, dans son ouvrage sur les civilisations primitives, a rassemblé, avec une prodigalité véritablement anglaise, de nombreux exemples, progrès à démontrer au vieux Jean-Jacques lui-même, que son « homme de la nature » n’est pas l’aimable athlète simple et fier, bon, mais jaloux de son indépendance, imaginé par le futur philosophe sous les ombrages des Charmettes. Si la liberté, comme l’ont rêvée nos utopistes, se retrouve chez quelques rustiques tribus du Djurdjura, le despotisme le plus effréné, tel que l’admiraient Bossuet, de Maistre et les poètes du Mahabharata, n’est pas non plus étranger à nombre de sauvages fort arriérés en civilisation.

Tout en admettant que, au point de vue de la science actuelle, la liberté est la seule caractéristique possible de la civilisation, nous ne saurions passer sous silence une considération importante : l’évolution sociale est partout subordonnée à la nécessité organique. Or, nécessairement, celle-ci impose à l’homme sa part de coopération, d’efforts synchroniques, tendant vers un but qui ne lui est pas strictement personnel, mais qui intéresse la communauté. Dans certains milieux, cette coordination est simple et facile ; l’utilité de l’œuvre exigée de chacun est immédiate et directement comprise de la moyenne des individus. Aussi, et sous toutes les latitudes