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malthusiens, en fait de libertés, ne connaissent que celle de la concurrence, c’est-à-dire le droit du vainqueur d’user et d’abuser de la dépouille du vaincu ; pour les penseurs esthétiques, dont M. E. Renan est un brillant exemple, le développement extraordinaire des richesses matérielles et intellectuelles, fruit d’une civilisation très avancée, constitue une compensation acceptable de cette perte du bonheur et de la liberté qui en est la rançon fatale ; de farouches révolutionnaires ne se plaignent, en somme, que de l’insuffisance de cette compensation.

Et cependant, si, battant en retraite à la vue de cet accord, inconscient parfois, des écoles et des partis les plus opposés, nous voulions accepter la doctrine si souvent décriée de l’homme sorti libre des mains de la nature, mais réduit aussitôt en esclavage par l’histoire et la société, nous nous retrouverions en face d’une confusion non moins inextricable. Ces Oua-Ganda des rives du Victoria Nyanza, dont un M’tesa fait abattre les têtes pour se distraire, ces nègres du Dahomey qui, tous les ans, périssent par milliers en des supplices atroces pour la plus grande gloire de leur principicule et de leur bon dieu Serpent, ces misérables qui poussent la folie de la servitude jusqu’à se suicider sur la tombe du souverain défunt pour être ses esclaves dans un monde meilleur, — n’ont

    coupables au point de vue de la différenciation, qui inspire à Herbert Spencer son éloquent plaidoyer : l’Individu contre l’État, traduit récemment en français.