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de la solidarité des êtres, sans laquelle elle ne pourrait réaliser les formes supérieures du devenir, habitue d’abord ces êtres à la vie commune par la coercition ; elle les assouplit ensuite par la différenciation ; enfin, lorsqu’elle les juge mûrs pour une collaboration volontaire à son travail, elle relâche tous les liens de contrainte et de subordination, et l’œuvre la plus importante au point de vue biologique, la reproduction des êtres, se trouve ainsi confiée aux instincts et aux penchants les plus personnels et les plus arbitraires.

Le progrès sociologique est donc en raison inverse de la coercition déployée, de la contrainte ou de l’autorité, et en raison directe du rôle de la volonté, de la liberté, de l’anarchie. Proudhon, dans son langage absolutiste et métaphysique, l’avait d’ailleurs démontré.

À notre sens, la supériorité des groupements naturels du troisième degré, c’est-à-dire des dèmes anarchiques, ne saurait être sérieusement contestée : en premier lieu, les individus (bions) qui contractent ces sortes d’unions sont plus parfaits que les organes ou les cellules, membres constituants des groupements subordonnés (différenciés) et imposés (coercitifs) ; 2o le but réalisé par ces unions, la conservation des espèces, est plus vaste, plus général, plus important que les résultats obtenus par les deux autres modes de groupement, c’est-à-dire la formation et la conservation d’individus isolés ; 3o ces unions sont les seules voulues par les contractants.