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« La société est un organisme », ont dit Auguste Comte et H. Spencer. Fourvoyés par cette définition, les savants les plus distingués ont prétendu et prétendent encore que la loi darwinienne, la lutte pour l’existence, est non seulement la base de la biologie, mais aussi embrasse le domaine de l’histoire. « La société est un organisme », c’est là simplement une façon de parler qui, depuis Menenius Agrippa, n’a plus le mérite d’être nouvelle. Rien ne s’oppose, du reste, à ce qu’on l’accepte couramment, à condition de n’en point induire que les lois et les principes de la biologie suffisent pour résoudre scientifiquement tous les problèmes. Certes, les sociétés sont des organismes comme les organismes sont des corps ; mais les corps organisés, plantes ou animaux, étant infiniment plus complexes que les minéraux, ce n’est pas à l’aide de simples formules de physique et de chimie que la science serait parvenue à en élucider l’évolution. Darwin et Baër ont magistralement expliqué celle-ci par la lutte pour l’existence et la différenciation. Or, les sociétés étant à leur tour des organismes plus complexes que les plantes et les animaux, on devrait, a priori, s’attendre à trouver les principes et le critérium spécifique de la biologie incompétents par rapport aux questions sociales. Herbert Spencer me paraît autoriser cette manière de voir : 1o par le fait qu’il considère la sociologie comme une science autonome et dépendant de la biologie dans la seule mesure où celle-ci dépend des études anorganolo-