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Mais : Y a-t-il une philosophie de l’histoire ? Telle est la question que se pose M. Francisque Bouillier et que nous nous posons tous avec lui[1].

J’ai beau chercher, dit-il, dans les systèmes compris sous le nom de philosophie de l’histoire, je n’y trouve rien qui soit susceptible de démonstration. Il n’y a qu’une seule loi, celle du progrès… Au-dessus de toutes les lois auxquelles les anciens et les modernes ont tenté d’assujettir les mouvements de l’humanité, au-dessus de tous les cycles, de toutes les alternatives, de tous les flux et reflux, de toutes les lignes droites ou brisées, en spirale ou en zigzag, de tous les rythmes, itus reditusque, comme dit Pascal, corsi e ricorsi, comme dit Vico, il n’y a que cette seule loi de progrès qui pour ainsi dire surnage, pourvu toutefois qu’on la débarrasse des erreurs, des visions qui la compromettent, qui la faussent, qui la rendent ridicule ou dangereuse. Dans cette idée seule du progrès, se fait l’accord de la plupart de ceux qui écrivent aujourd’hui sur la philosophie de l’histoire. Presque tous s’accordent à ériger le progrès en loi suprême de l’homme ; quelques-uns même en font un Dieu et ne l’écrivent qu’avec une mystérieuse majuscule. Mais si tous s’accordent à prononcer son nom, que de diversités, que d’erreurs dans la manière dont l’entendent certaines écoles ! Suivant les uns, il est

  1. Livraison d’avril 1886 de la Revue philosophique, publiée par M. Ribot.