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ainsi au souffle empoisonné du désert, à son antagoniste Set-Typhon, le pays qu’il traverse sans le féconder. Il nous semble plus extraordinaire que cette origine fût regardée comme un mystère redoutable, puisque le plus infime des pêcheurs et des bateliers, ces corporations abjectes de l’Égypte ancienne, pouvait de son œil sacrilège profaner la sainteté de ces lieux.

Néron, passionné comme tous les césars[1] des premiers temps de l’Empire pour la question de la « Tête du Nil » envoya deux centurions à la recherche des véritables sources du grand fleuve : ils avaient réussi à le remonter plus haut que son confluent avec la rivière des Arabes, plus loin que n’importe lequel de nos voyageurs européens d’il y a cinquante ans[2], lorsqu’ils furent arrêtés par les sedd ou seudd, ces amas d’herbes flottantes auxquels on peut appliquer le nom d’« embarras », dans le sens qu’attribuent à ce mot les créoles de la Louisiane.

Ces émissaires avaient surpris sans doute le secret gardé par le trésorier hiérophante de la sagesse divine de Saïs, et, si impressionnés furent-ils par cette bizarre conception égyptienne d’un fleuve ayant ses sources à quelque 1500 kilomètres en aval

  1. Peut-être l’intention d’imiter le grand Alexandre qui s’intéressait vivement à ce problème, entrait-elle pour beaucoup dans cette passion des césars depuis Jules.
  2. D’Arnaud et Sabatier, à la tête d’une expédition envoyée par le gouvernement égyptien, furent les premiers Européens qui, en 1841, parvinrent à remonter le fleuve jusqu’à Gondokoro, en amont des « embarras ».