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Hérodote, le voile n’était levé que pour un seul homme, le scribe sacré du temple de la déesse Neit (Athéné, Minerve) à Naïs[1]. Comment le voyageur grec est-il parvenu à surprendre cet auguste secret ? On l’ignore, mais il nous le livre sans réserve : « Ce sont, dit-il, deux montagnes aux sommets pointus, Krophi et Mophi, situées entre la ville de Syène (Assouan) dans le domaine thébain, et la ville d’Éléphantine (Abou)[2]. »

On voit par là que, pour les anciens Égyptiens, les sources du Nil s’identifiaient avec la limite extrême de ses inondations bienfaisantes : ni eux, ni Hérodote qui, dans les chapitres XXIX, XXX, XXXI, donne l’itinéraire exact d’Éléphantine à Méroé par Tachompso, et plus loin, au pays des Automoles, n’étaient pas sans savoir que le fleuve existe bien au-delà de ses prétendues origines. Mais aux yeux de ces peuples, vivent seulement des inondations périodiques du Nil, de la substance même du divin Hapi, ce fleuve ne présentait plus d’intérêt, dès que, encaissé entre les hautes murailles de sa prison nubienne, il ne pouvait sortir de son lit, abandonnant

  1. Sans doute une innovation des temps saïtes : anciennement le pharaon seul passait pour connaître le mystère du Nil, et c’était l’un de ses principaux titres à la vénération du peuple.
  2. D’après le professeur Lauth, Krophi serait la transcription grecque de l’égyptien Ker-Hapi (le gouffre du Nil) et Mophu, celle de Mou-Hapi (l’eau du Nil). Je cite, d’après J. Dumichen, dans W. Oncken’s Weltgeschichte in Einzelndarstellungen, dont la première livraison (histoire de l’Égypte) contient d’intéressants détails sur l’idée que les anciens Égyptiens se faisaient de la « Tête du Nil ».