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Il n’est point difficile de saisir les causes qui, pendant de longs siècles, éloignèrent des bords de la Méditerranée les constructeurs des Pyramides. Quelque genèse qu’on leur attribue, les Égyptiens civilisés étaient, dès le début de leur histoire, un peuple par excellence continentale et agriculteur. Avant la régularisation du courant nilotique par des travaux de terrassement, le Delta ne formait qu’un dédale confus d’alluvions boueuses et de marais pestilentiels ; on a dû l’organiser avant de le coloniser. L’admirable situation de la Méditerranée entre trois continents ne pouvait encore constituer un avantage réel : l’Europe, l’Afrique, l’Asie, à l’exception peut-être de la Chaldée, exception sans doute unique dans le sens le plus restreint du mot, étaient encore plongées en pleine barbarie ; et lorsque, plus tard, les navigateurs phéniciens, crétois, phrygiens, lydiens, etc., animèrent les eaux bleues de cet océan intérieur, les populations égyptiennes fuyaient toujours le littoral, qu’on ne pensait même pas à protéger contre les déprédations des écumeurs de mer. Depuis le début de leur histoire, elles attendaient les envahisseurs par la route continentale de la péninsule Sinaïtique ; les mesures de précaution n’étaient prises que de ce côté, et, bien avant les Chinois, les pharaons avaient eu l’idée de défendre, par un mur de maçonnerie, la plus vulnérable de leurs frontières[1]. On peut, à travers les âges, se

  1. Fr. Lenormant, ouv. cité.