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petite nostalgie invincible des dépaysés, dont souffrent, quand ils sont emprisonnés dans les cités, par leur devoir ou leur profession, presque tous ceux dont les poumons, les yeux et la peau ont eu pour nourriture première le o-rand ciel et l’air pur des champs et dont les petits pieds ont couru d’abord dans les chemins des bois, les sentes des prés et l’herbe des rives ». Sans doute, il ressentit lui-même cette première impression de tristesse et d’angoisse quand il quitta, pour venir habiter Paris et s’enfermer dans le bureau étroit et sombre d’un Ministère, les falaises et les herbages de la Normandie. Son enfance s’était mal accommodée du séjour des villes ; il souffrit à Yvetot et à Rouen, où son regret de la campagne s’aggravait de toutes les contraintes de l’internat. Si la vie de Paris s’empara de lui, s’il s’abandonna avec une fougue toute juvénile à la fièvre d’une existence nouvelle, du moins il conserva pour les plaisirs de son adolescence, pour les joies saines du plein air, un goût violent qu’il satisfaisait sans réserve. Aussi le vrai Maupassant de cette époque est-il moins encore le poète, l’apprenti écrivain, habitué des salons littéraires et des petits journaux, que le canotier exubérant et vigoureux, roi de l’aviron entre Chatou et Maisons-Laffitte. C’est précisément celui-ci que ses amis ont le mieux connu et nous ont raconté avec le plus de complaisance.