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dépourvus de grâce ; on cite volontiers la pièce qui commence ainsi :

La vie est le sillon du vaisseau qui s’éloigne…

et où plusieurs images exactes développent régulièrement une idée peu originale. Sans aucun doute, ces poésies d’écolier n’ajoutent rien à la gloire de l’écrivain, mais elles ne lui furent pas tout à fait inutiles, puisque c’est à l’une d’elles qu’il dut son affranchissement. Il avait composé une longue épître en strophes d’octosyllabes ; il la dédia à sa cousine, qui venait de se marier, et sut mêler à des félicitations non dépourvues de mélancolie une chaude protestation contre le cloître solitaire, les soutanes et les surplis[1]. Les vers furent saisis ; il est vrai que le jeune poète n’avait guère songé à les dissimuler. On ne peut dire si la sentimentalité précoce[2] de l’épître choqua plus que les boutades pourtant inoffensives contre le régime de la maison ; toujours est-il que le supérieur du séminaire saisit avec empressement ce prétexte de se défaire d’un élève insoumis et inquiétant. Il le fit reconduire chez lui.

L’enfant fut ravi et il est peu vraisemblable que la mère ait été contrariée. Elle laissa son fils retrouver ses chères habitudes, savourer l’indépendance

  1. Cette pièce est citée in extenso dans l’étude d’A. Brisson.
  2. M. A. Brisson dit libertinage ; l’expression nous paraît quelque peu exagérée.