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che il parlait couramment le patois normand, avec lequel il s’était familiarisé dans ses courses et ses jeux parmi les pêcheurs de la côte.

Aux leçons de sa mère, Guy préférait cependant la vie libre qu’elle lui laissait mener, cette vie « de poulain échappé », — le mot est de Mme de Maupassant elle-même, — et c’est encore cette existence saine, sans contrainte, aventureuse parfois, qui exerça l’influence la plus durable sur la formation de son tempérament d’artiste.

S’il n’y a pas, dans tout l’œuvre de Maupassant, de descriptions mieux rendues ni plus suggestives que celles de la Haute Normandie, cela tient à ce que toute son enfance s’est mêlée intimement, indissolublement à ce paysage normand. Les impressions de l’enfance sont, non seulement les plus tenaces, mais aussi les plus sincères, parce qu’on les éprouve sans s’en apercevoir, sans penser à les noter et à en tirer parti, parce qu’elles pénètrent l’âme lentement, imposent une façon de voir contre laquelle on ne se défend pas, et arrivent à donner aux idées elles-mêmes une forme particulière. Semblable à l’héroïne de son roman Une vie, dont il a peint les années de jeunesse en cette terre normande, Maupassant a « semé partout des souvenirs, comme on jette des graines en terre, de ces souvenirs dont les racines tiennent jusqu’à la mort[1] ». Et

  1. Une Vie, p. 26.