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« part de maladie[1] » dans l’œuvre de Maupassant, afin d’établir que les symptômes précurseurs du mal apparaissent longtemps avant la crise décisive. La folie de Maupassant ne fut constatée par son entourage et rendue presque publique qu’à la fin de 1891, dans les mois qui précédèrent sa tentative de suicide. Mais on peut relever les premiers indices de troubles nerveux dès l’année 1884, dans les pages de Clair de lune, d’Au Soleil, des Sœurs Rondoli que nous avons analysées ; le mal s’accentue en 1887-1888, et nous avons pu en suivre l’évolution dans le Horla et dans Sur l’eau ; en 1890, certaines nouvelles de l’Inutile beauté[2], certains chapitres de la Vie errante laissent deviner le détraquement irrémédiable.

Dans la vie même de Maupassant, il reste à reprendre plus d’un fait qui intéresse l’histoire de sa maladie. S’il ne prévoyait pas absolument la catastrophe finale, il sentit pourtant, plusieurs années avant son internement, à quelle lente déchéance il était condamné sans appel. L’angoisse de la mort et la peur de souffrir le rongent implacablement ; il s’attriste et perd peu à peu la belle sérénité de sa jeunesse. Ses amis, ceux qui l’approchaient de plus près, ceux qui le voyaient à la Guillette d’É-

  1. Léopold Lacour, Un classique malade, article sur Maupassant, dans le Figaro, en 1893.
  2. Un cas de divorce. Qui sait ?