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préoccupations et presque tous les événements qui ont traversé son existence, modifié sa manière d’être et de sentir[1]. Enfin, il faut dire sa vie, parce que, en dehors et indépendamment de ce qu’il écrivit, elle fut belle dans sa rapidité inquiète et douloureuse. De sa jeunesse vigoureuse, de sa saine impassibilité peu à peu attendrie de pitié, de ses souffrances aussi, se dégage une incontestable vérité, celle même qu’il énonçait dans son étude sur Flaubert[2] : « Les gens tout à fait heureux, forts et bien portants, sont-ils préparés comme il faut pour comprendre, pénétrer, exprimer la vie, notre vie si tourmentée et si courte ? Sont-ils faits, les exubérants, pour découvrir toutes les souffrances qui nous entourent, pour s’apercevoir que la mort frappe sans cesse, chaque jour, partout féroce, aveugle, fatale ? » Toute l’œuvre de Maupassant s’explique par cette hantise impérieuse de la mort, qui l’étreignit lentement, comme un pressentiment implacable, et qui se mêle chez lui aux sensations les plus violentes et les plus brutales de la vie.

  1. Voir notamment l’article de G. Châtel, Maupassant peint par lui-même. (Revue Bleue du 11 juillet 1896.)
  2. À propos des crises d’épilepsie auxquelles Flaubert était sujet.