Ce dernier mot, je le prononçai avec une singulière lenteur, plus pour elle que pour lui.
« Comment s’appelle son mal ?
— Il a un nom étranger que les médecins seuls peuvent comprendre.
— Quand sera-t-elle guérie ?
— Hum ! cela peut être très court et cela peut être long. Tout dépend de ton obéissance envers moi.
— En quoi faut-il t’obéir ?
— Il faut exécuter ponctuellement mes prescriptions médicales.
— Je les exécuterai.
— Cette femme devra rester seule ; on lui évitera toute contrariété.
— Cela sera fait.
— Je lui parlerai tous les jours.
— Toi ?
— Ne faut-il pas que je juge des progrès de ma médicamentation ?
— Je te dirai tout ce qui arrivera.
— Tu n’y connais rien, tu ne saurais apprécier l’état d’un malade.
— Mais tu ne lui parleras que de son mal ?
— C’est pour cela que je suis venu.
— Mais enfin combien de fois penses-tu avoir besoin de lui parler ?
— Je crois que cinq fois suffiront pour la guérir.
— Bien ! donne-lui maintenant la médecine.
— Je l’ai laissée à mon domestique.
— Viens la chercher. »
Je me retournai pour saluer ma cliente ; la pauvre femme leva les mains sous son voile et murmura :
— Ev Allah ! ( Dieu soit avec toi ! )
— Silence ! n’ouvre la bouche que quand on t’interroge ! s’écria le musulman d’une voix tonnante.
— Abrahim, interrompis-je, ne t’ai-je point dit qu’il fallait éviter toute contrariété, tout chagrin à cette femme ? Est-ce ainsi qu’on s’adresse à quelqu’un qui touche aux portes du tombeau ?
— Qu’elle prenne garde elle-même à ne pas se rendre malade ! Il ne faut pas qu’elle parle ; elle le sait. Viens ! »