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sur les bords du nil


pleins d’effroi et de colère ; enfin il éclata d’une voix qui, cette fois, n’avait rien de sourd ni d’aphone.

« Giaour ! tonna-t-il.

— Comment dis-tu ?

— Giaour, te dis-je ! Veux-tu que je t’appelle chien ? Le fouet t’apprendra qui je suis ! Tu sauras comment tu dois obéir quand je commande. Si elle meurt, tu mourras aussi, toi ! Si elle vit, je te laisserai aller, je te donnerai tout ce que ton cœur peut désirer. »

Je me levai à mon tour, assez peu ému de la menace, et, me plaçant en face de mon interlocuteur, je lui demandai : « Sais-tu quelle est la plus grande honte pour un musulman ?

— Que veux-tu dire ?

— Regarde à terre ; où est ton fez ? Abrahim Mamour, te souviens-tu des préceptes du prophète et du Coran : « Tu ne découvriras pas la nudité de ta tête devant un chrétien. »

En un clin d’œil Abrahim eut remis sa coiffure et saisi le fiche poignard passé dans sa ceinture, s’écriant dans une rage indicible :

« Tu mourras, giaour ! Tu vas mourir à l’instant !

— Je mourrai quand cela plaira à Dieu et non à toi.

— Je te répète que je vais te tuer. Dis ta prière ! »

Rien ne calme comme la vue d’un homme que la colère aveugle ; je repris tranquillement :

« Abrahim Mamour, j’ai chassé les ours et les rhinocéros, les éléphants sont tombés sous mes balles ; j’ai tué le lion « ravageur » des troupeaux : remercie Allah si tu vis encore et prie-le de t’aider à dompter ta colère. Tu es trop faible pour te dominer toi-même, et pourtant, si tu ne cesses tes injures, prends garde à toi ! »

A cette nouvelle provocation de ma part, Abrahim, blessé au vif, voulut se jeter sur moi ; je l’évitai et lui montrai aussi mon arme : dans ce pays, on ne se sépare ni de son revolver ni de son couteau. Nous étions seuls en face l’un de l’autre, car l’Égyptien avait congédié ses esclaves. Avec mon brave Halef, je n’aurais pas craint tout le personnel de la maison réuni, mais je ne voulais pas en arriver aux extrémités, ni manquer l’occasion de voir la mystérieuse malade, dont l’état m’intéressait et piquait ma curiosité.

Les Pirates de la mer Rouge.
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