— Eh bien ! cet étranger marchera à l’ombre du vékil et à la mienne ; celui qui marche à mon ombre ne doit rien craindre de tes rayons… Voyons, viens, que je te parle. »
Le petit homme n’était pas fâché d’échapper à la responsabilité ; il se levait déjà pour suivre sa femme, lorsque je m’y opposai.
« Ne m’as-tu pas promis de respecter mon mari ? me demanda Mersina.
— Oui, à condition qu’il ne bougera pas.
— Il ne peut toujours demeurer là !
— Tu as raison, ô perle de Kbilli, mais il doit y rester jusqu’à ce que mon affaire soit expédiée.
— Ton affaire est finie.
— Comment cela ?
— Ne t’ai-je pas dit que tu es le bienvenu ici ? Donc te voilà notre hôte ; toi et les tiens vous pouvez demeurer chez nous tant qu’il vous plaira.
— Et Àbou el Nasr, que tu as bien nommé Abou el Yalani ?
— Il est à toi, traite-le comme tu l’entends.
— Est-ce vrai, vékil ? »
Le fonctionnaire hésitait ; sa femme lui parla longtemps à l’oreille ; enfin il balbutia avec un grand soupir :
« Oui, oui !
— Tu me le jures ?
— Je te le jure !
— Par Allah et son Prophète ? »
Le pauvre homme hésitait encore ; il se décida enfin, puis se leva tout confus.
« As-tu un cachot pour cet homme ?
— Non, fais-le lier au tronc du palmier, mes soldats veilleront sur lui.
— Moi aussi, je veillerai, murmura Omar, Il ne m’échappera pas, car il a tué mon père ; mon poignard est prompt comme mes yeux. »
Le meurtrier ne prononçait pas un seul mot ; son regard brûlant de haine suivait tous nos mouvements. On l’attacha cependant sans qu’il essayât la moindre résistance. Il n’entrait point dans ma pensée de demander sa mort, mais il avait en face de lui un ennemi implacable ; je savais que ni mes ordres ni mes prières ne pourraient rien sur Omar, quand il s’agirait de sa ven-