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une aventure en tunisie

— Je m’en flatte ! Comment l’appelles-tu ?

— Abou el Nasr.

— Vékil, ce n’est pas le vrai nom de cet homme, il se nomme Hamd il Amasa.

— Ne cherche point à me faire mentir, giaour, ou bien vingt coups en sus ! J’avoue que mon ami s’appelait Hamd il Amasa ; mais apprends, infidèle, que lorsque j’habitais Stamboul, des bandits grecs m’attaquèrent pendant la nuit ; alors Hamd il Amasa vint vers moi, il dit un mot à ces scélérats et me sauva la vie. Depuis il se nomme Abou el Nasr (Père de la Victoire), car personne ne peut lui résister, pas même les brigands grecs ! »

Je branlai la tête en souriant et lui dis :

« Tu as donc servi à Stamboul ? Dans quel corps ?

— Dans la garde, fils de chacal ! »

M’avançant vers lui, je le menaçai du doigt et lui dis d’un ton résolu :

« Ose m’insulter encore une fois, et je te donne un soufflet qui te fera voir demain un minaret sur ton nez !… Comment, toi, un guerrier, tu viens vanter ce drôle ! Moi, je le méprise, entends-tu ? »

Le vékil se souleva en me regardant avec étonnement ; il n’était pas habitué à se sentir bravé.

« Créature audacieuse ! cria-t-il tout en colère, sache que je serais devenu général major si je n’avais préféré le poste de Kbilli et que…

— Oui, tu es un foudre de guerre, tu as bien combattu contre ces brigands que ton ami met en fuite d’une seule parole !… comme si cela était difficile quand on fait partie de la bande ! Je te le répète, cet homme est un bandit ; il a commis un meurtre en Algérie ; il a tué un homme sur les rives de l’ouad Tafaoui ; il a tiré sur mon guide, le père de ce jeune homme, dans le chott ; il l’a fait périr pour nous perdre nous-mêmes, et maintenant je le trouve sous la protection d’un officier du Grand Seigneur ! Le vékil de Kbilli prétend être son ami et son hôte ! Écoute, car tu me dois la justice : je te dénonce cet homme comme un triple assassin, je demande qu’il soit arrêté ! »

Là-dessus Abou el Nasr se leva dans une fureur indescriptible, criant de toutes ses forces :

« Cet homme est un giaour ; il a bu, il ne sait ce qu’il