consistaient en guenilles disparates qui n’avaient aucune ressemblance avec un uniforme militaire quelconque.
Presque tous étaient pieds nus ; ils portaient des fusils propres à tous les usages, excepté à celui de tirer. Ils se prosternèrent pêle-mêle devant le vékil. Celui-ci les accueillit d’un air presque martial et commanda :
« Levez-vous ! »
Tous se levèrent ; le sergent tira son grand sabre et le garda au poing, puis cria d’une voix de stentor :
« Formez les rangs !
— Un, deux, trois, l’arme au bras ! »
Les fusils sont maniés bruyamment, frottent l’un contre l’autre ou contre le mur, enfin trouvent leur place sur l’épaule du propriétaire.
« Présentez armes ! »
Confusion et cliquetis indescriptibles ; le canon d’un des fusils se détache. On ne s’en émeut guère ; le soldat le ramasse tranquillement, s’assure que la lumière n’est point obstruée, tire de ses poches un peu de ficelle de palmier, renoue le canon sur le bois et reprend sa position d’un air satisfait, en attendant un nouveau commandement.
« Ne bougez pas ; silence dans les rangs ! »
Les lèvres se serrent avec énergie, les traits du visage annoncent la ferme résolution de se taire, quoi qu’il arrive. Les guerriers ont remarqué les trois malfaiteurs sur lesquels ils doivent veiller ; ils tiennent à nous effrayer par leur attitude.
J’eus bien de la peine à garder mon sérieux pendant ce singulier exercice. Mon assurance encourageait mes compagnons.
Enfin, l’homme que nous avions demandé entra dans la salle : c’était bien lui !
Sans nous honorer d’un regard, il alla s’asseoir aux côtés du vékil et prit négligemment une pipe que lui présentait l’esclave noir.
Se décidant alors à lever la tête de notre côté, il nous toisa avec un souverain mépris.
« Eh bien ! connais-tu cet homme ? me demanda le petit fonctionnaire turc.
— Oui.
— Tu dis vrai ; tu le connais, ou du moins tu l’as rencontré sur ta route, mais il n’est pas ton ami.