Page:May - Les Pirates de la Mer Rouge, 1891.djvu/52

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
50
UNE AVENTURE EN TUNISIE

— Bien ; Omar ben Sadek, depuis combien de temps accompagnes-tu ce Nemsi ?

— Depuis hier.

— C’est peu. Je serai indulgent et ne te ferai donner que vingt coups sous la plante des pieds. Comment s’appelle ton serviteur ?

— Vékil, Allah est grand, mais il t’a pourvu d’une petite mémoire : tu ne peux te souvenir de deux noms à la fois. Je te l’ai dit, mon serviteur se nomme hadji Halef Omar.

— Tu m’insultes, giaour ! Je te punirai tout à l’heure. Toi, Halef Omar, un hadji, un pèlerin de la Mecque, tu sers un infîdèle ! Tu mérites une double bastonnade ! Depuis combien de temps te tiens-tu près de lui ?

— Depuis cinq semaines.

— Bien ! soixante coups sous la plante des pieds ! — À toi maintenant ; répète-moi ton nom.

— Kara ben Nemsi.

— Bien ! Kara ben Nemsi, tu as commis de grands crimes !

— Lesquels, Sidi ?

— Sidi ! Ce n’est point assez, appelle-moi Excellence ou Votre Grâce. Tes crimes sont les suivants : 1° tu as séduit deux croyants et tu les emploies à ton service, cela mérite quinze coups ; 2° tu t’es montré assez téméraire pour venir me déranger dans ma demeure, encore quinze coups ; 3° tu as douté malicieusement de ma mémoire, vingt coups au moins. En outre, comme je dois percevoir un droit pour chaque sentence, tout ce que tu portes sur toi m’est acquis dès ce moment.

— Ô illustre Excellence, je t’admire ! Haute est ta justice, et ta sagesse plus haute encore ; ta miséricorde, ta prudence, ton habileté surpassent tout ce qu’on peut imaginer ! Mais, je t’en supplie, illustrissime bey de Kbilli, fais-nous voir ton hôte avant de nous livrer à la bastonnade.

— Que lui veux-tu ?

— Je crois que c’est une de mes connaissances ; je désire repaître mes yeux de sa vue.

— Il n’est pas du tout de tes connaissances ; c’est un vaillant guerrier, un noble fils du sultan, un sévère observateur du Coran : donc il ne peut y avoir le moindre rapport entre toi et lui. Mais, afin qu’il soit témoin de la manière dont le vékil de Kbilli sait