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UNE AVENTURE EN TUNISIE

ben Sadek, je ne rirai plus, je ne couperai plus ma barbe, je n’entrerai plus à la mosquée jusqu’à ce que l’enfer ait englouti le meurtrier de mon père ! Je le jure ! »

J’étais profondément ému en entendant le serment grave et solennel de cet homme ; lorsqu’il l’eut prononcé, il vint s’asseoir près de nous et dit avec beaucoup de calme :

« Racontez-moi tout ! »

Halef satisfit son désir ; il achevait à peine, que le jeune homme se leva.

« Venez ! » murmura-t-il simplement, et il reprit le chemin par où il était venu.

Le plus mauvais endroit, décidément, se trouvait franchi ; nous n’éprouvâmes presque plus de difficultés, et nous pûmes marcher toute la nuit. Lorsque le matin se leva, nous atteignîmes les rives de la presqu’île de Nifzana. Fatnassa était sous nos yeux.

« Où allons-nous à présent ? demanda Halef.

— Suivez-moi ! »

Omar venait de prononcer le premier mot qu’il nous eût adressé depuis la veille.

Il nous fit longer une digue, et au bout de quelques minutes nous nous arrêtâmes devant la porte d’une pauvre cabane ; un vieillard en sortit pour nous saluer.

« Selam aléïkoum !

— Aléïkoum !

— Tu es Abdoullah el Hamis, le peseur de sel ?

— Oui.

— As-tu vu le chabir Arfan Rakedim, de Kris ?

— Oui, il est passé tout à l’heure, à la pointe du jour, avec un étranger.

— Que sont-ils devenus ?

— Le guide s’est reposé un instant, puis s’en est retourné par le chemin de Kris ; l’étranger vient d’acheter un cheval chez mon fils, auquel il a demandé la route de Kbilli.

— Je te remercie, Abou-el-Malah ! (père du sel). »

Nous nous reposâmes à notre tour dans la hutte, et nous mangeâmes quelques dattes avec une écuelle de lagmi, après quoi nous nous rendîmes à Bedchini, à Negua et à Mansoura, où toutes nos informations nous convainquirent du passage récent de