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UNE AVENTURE EN TUNISIE

— Ne l’as-tu jamais vu de près ?

— Non !

— Viens donc. Je vais te montrer le royaume de la mort, le siège du danger, la mer du silence, sur laquelle pourtant je te ferai marcher sans crainte. Viens ! »

Après avoir suivi une sorte de digue fort boueuse, nous descendîmes sur la rive du lac.

L’eau dormait sous la croûte durcie. Je creusai avec mon couteau, cette croûte mesurait 14 centimètres ; elle était assez solide pour soutenir le poids d’un homme de moyenne corpulence ; le sable qui avait été balayé et chassé par le vent laissait à découvert de larges places bleuâtres et brillantes au soleil.

Pendant que je me plongeais dans mes observations, une voix cria derrière nous :

« La paix vous accompagne ! »

Je me retournai ; près de moi se tenait un Bédouin aux membres décharnés, aux jambes torses ; une maladie ou un accident lui avait enlevé le nez ; il était hideux.

« Aléïkoum ! répondit Sadek. Que fait mon frère Arfan Rakedim ici, sur le chott ? Il porte un habit de voyage : va-t-il accompagner un étranger à travers la Sebkha ?

— C’est cela même, répondit le Bédouin. Je dois conduire deux hommes qui viennent d’arriver.

— Où vont-ils ?

— À Fetnassa. »

Puis, nous désignant du doigt, le guide ajouta : « Ces deux étrangers passent-ils aussi le lac ?

— Oui.

— Où vont-ils ?

— À Fetnassa.

— Tu les conduis ?

— Tu l’as deviné.

— Ne prends pas cette peine, je les guiderai en même temps que les deux autres.

— Ce n’est point une peine, car ils sont mes amis.

— Avare que tu es ! tu ne cherches qu’à me nuire ! Tu m’enlèves toujours les plus riches voyageurs !

— Je ne t’enlève personne, je prends ceux qui s’adressent à moi.