— Mon seigneur ne voulait pas voler.
— Ah ! et pourquoi ?
— Parce que le cheikh garde la plus grande partie du butin.
— Tu es pauvre ?
— L’oncle de mes enfants m’a prise chez lui ; mais il est pauvre aussi.
— Combien a-t-il de têtes de bétail ?
— Un bœuf et dix chèvres : mais il faudra aujourd’hui même qu’il abandonne son petit troupeau au cheikh ; ce sera nous qui supporterons la perte. La tribu est pauvre, mais le cheikh est riche.
— Si tu me dis la vérité, le cheikh ne reviendra pas parmi vous.
— seigneur, tes paroles ne me trompent-elles point ?
— Non ; je ferai en sorte que Zédar ben Houli soit retenu comme otage chez les Haddedîn, et on vous enverra un chef plus juste. L’oncle de tes enfants gardera ses bêtes.
— Seigneur, ton âme est pleine de miséricorde ! Que désires-tu savoir de moi ?
— Connais-tu l’île qui est là-bas, vis-à-vis du camp ? » La femme pâlit et reprit vivement :
« Ah ! seigneur, pourquoi veux-tu savoir cela ?
— Parce que j’ai besoin d’apprendre ce qui se fait dans cette île.
— Émir, ne me le demande point, c’est un secret ; celui qui le trahirait serait puni de mort par le cheikh.
— Ne t’ai-je pas promis que, si tu disais la vérité, le cheikh ne reparaîtrait plus ici ?
— Tu me le jures, seigneur ?
— Crois-moi, je n’ai jamais menti. Raconte-moi ce que tu sais de cette île.
— C’est là que sont déposées les prises du chef.
— Quelles prises ? »
La femme hésitait encore ; enfin elle reprit en balbutiant :
« Il guette les voyageurs qui traversent la plaine ou suivent le fleuve ; il les dépouille. S’ils sont pauvres, il les tue ; s’ils sont très riches, il en tire souvent de grosses rançons.
— Et il les garde dans l’île ?