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une bataille au désert

— Ces hommes sont-ils venus d’eux-mêmes, ou les a-t-on amenés ?

— Nos guerriers les ont amenés.

— Vos guerriers les ont amenés, et vous ne savez pas qui ils sont ! Allons ! je vois qu’il faut vous demander trois mille brebis au lieu de deux mille, autrement vous ne sauriez parler.

— Seigneur, nous n’osons rien dire.

— Pourquoi cela ?

— Le cheikh nous punirait. Prends pitié de nous !

— Eh bien, oui, attendons ! »

Quelque temps après un grand bruit s’éleva dans tout le camp ; ce fut un gémissement général, des cris de désespoir poussés par les femmes et les enfants : la troupe de nos prisonniers s’avançait avec leurs conducteurs. Je me levai et dis aux vieillards :

« Vous le voyez, je ne vous trompais point. Voilà quarante des vôtres qui viennent chercher l’indemnité pour délivrer le reste des guerriers. Allez maintenant dans chaque tente, assemblez les femmes, les enfants, tous les habitants du camp ; il ne leur sera fait aucun mal ; mais je veux qu’ils entendent ma parole. »

On eut assez de peine à réunir toute cette foule tremblante ; enfin ils m’entourèrent ; les prisonniers étaient placés au milieu. Je dis à ceux-ci :

« Vous voyez vos pères, vos mères, vos sœurs et vos enfants qui sont entre mes mains ; sur mon ordre les Haddedîn les emmèneraient tous en esclavage ; mais j’espère que vous ne me forcerez pas à user de cette rigueur, et que vous exécuterez loyalement le traité de paix. Vous avez six pâturages dans les environs ; vous allez vous partager en six groupes, et, sous la surveillance de mes hommes, vous vous rendrez dans ces différentes prairies pour choisir les bêtes ; dans une heure il faut que tout soit prêt. »

Les vaincus savaient bien que toute résistance serait vaine et dangereuse, ils s’éloignèrent sans murmurer ; je restai avec douze hommes ; parmi eux était Halef, auquel je remis le commandement de la troupe.

« Où vas-tu, Sidi ? me demanda le petit homme.

— Je voudrais visiter leur fameuse île. Tu resteras ici pour faire ranger les troupeaux ; prends garde qu’on n’enlève à ces malheureux toutes leurs meilleures bêtes ; il faut leur en laisser