« Je t’engage à demander à ton pope l’absolution de tes trahisons, il te la vendra toujours ! As-tu servi la Russie ?
— Oui, Monsieur.
— Où cela ?
— À Stamboul.
— Bien ; je vois que tu es encore capable de répondre sans mentir, je ne te livrerai point aux Haddedîn.
— seigneur, mon âme te bénira, car tu te montres généreux !
— Comment t’appelles-tu ?
— Alexandre Kolletis.
— Tu portes un nom illustre ; mais qu’as-tu de commun avec ceux qui l’ont porté avant toi ? Bill, venez panser la plaie de cet homme. »
L’Irlandais s’employa de son mieux près du blessé. Pour moi, si j’avais pu prévoir dans quelles circonstances je rencontrerais de nouveau ce Grec, je ne sais si je l’eusse épargné ainsi. Je m’adressai alors au cheikh et lui tins ce discours :
« Eslah al Mabem, tu es un vaillant guerrier, il me semble pénible de te laisser lié ; me promets-tu de marcher à mes côtés sans chercher à fuir ?
— Je te le promets.
— Par la barbe du Prophète ?
— Par la barbe du Prophète et par la mienne !
— Ordonne à tes gens de faire le même serment.
— Vous m’entendez ! cria le cheikh en se retournant vers ses hommes, jurez de ne pas prendre la fuite !
— Nous le jurons ! »
Je fis aussitôt délier le chef ; il me remercia avec effusion.
« Sidi, tu es un noble guerrier. Tu as fait viser nos chevaux pour garder notre vie. Qu’Allah te bénisse, quoique mon cheval me fût aussi cher qu’un frère ! »
Le visage de ce jeune cheikh m’intéressait ; il avait une expression loyale et fîère qui ne pouvait tromper ; je lui demandai gravement :
« Eslah al Mahem, cette guerre que tu entreprenais contre des tribus de ta race, ce sont des langues étrangères qui te l’ont conseillée, n’est-ce pas ? »
Il baissa la tête ; je poursuivis :