« Tu le vois, ton plan a été trahi. Les Alabeïd et les Abou Mohammed se sont unis contre vous et contre les Abou Hamed, qui les aviez si souvent pillés ; ils doivent commencer l’attaque près de l’Oued Deradji ; écoute ! » En ce moment. retentissait une vive fusillade. « Écoute ! ils sont pris dans la vallée par nos alliés ; ils vont être contraints de se rendre.
— Allah il Allah ! dis-tu vrai ? s’écria cet homme avec angoisse.
— Oui ; cela est indubitable.
— Alors tue-moi !
— Tu es un lâche.
— Est-il lâche celui qui veut mourir ?
— Oui, cheikh des Obeïd, père de ta tribu : ton devoir est de soutenir tes hommes, et tu veux les abandonner !
— Comment les pourrais-je soutenir à cette heure ? tu m’as fait prisonnier !
— Tu les soutiendras par ta présence et tes conseils ; les Haddedîn ne sont pas des lécheurs de sang, ils demandent seulement que vous les laissiez en paix ; tu pourras traiter avec eux ; sans toi que deviendraient ceux de ta tribu ? Leur ruine serait complète.
— Encore une fois me dis-tu la vérité ?
— Oui, je te la dis ; cheikh !
— Jure-moi que tu ne me trompes pas.
— La parole d’un homme d’honneur vaut un serment… Arrêtez-le ! »
J’adressais cette injonction à mes gens en leur désignant le truchement grec, qui, après avoir affecté une tranquillité presque indifférente, venait tout d’un coup de prendre la fuite, profitant de la distraction de mes gens, groupés autour de moi pour entendre notre conversation.
On s’élança aussitôt à sa poursuite ; quelques coups de fusil furent tirés derrière lui, mais ne l’atteignirent point. Enfin un des Haddedîn le frappa d’une balle à une centaine de pas plus loin ; il fut rapporté tout sanglant.
« Tu le vois, dis-je à Eslah al Mahem, nous y allons sérieusement ; tu m’as forcé à répandre du sang, et je le ferais encore si tu résistais contre tout espoir. »
Le jeune chef mordait ses lèvres avec rage ; il hésitait toujours ; enfin il s’écria :